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Comment distinguer neutralité et impartialité ? Le cas du CICR

La Chronique. Mensuel d’Amnesty International, n°294, avril 2011, p. 14.


Les principes sur lesquels s’appuie le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) n’ont pas été formulés explicitement dès sa création, en 1863, mais en 1920, lorsqu’Edmond Boissier écrit dans la revue de l’organisation que « Charité et universalité, à côté de l’indépendance et de l’impartialité, sont les caractères essentiels et distinctifs de la Croix-Rouge ». L’année suivante, le CICR dans ses statuts se donne la tâche de « maintenir les principes fondamentaux et uniformes de l’institution de la Croix-Rouge », parmi lesquels « l’impartialité, l’indépendance politique, confessionnelle et économique ».

Les principes sur lesquels s’appuie le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) n’ont pas été formulés explicitement dès sa création, en 1863, mais en 1920, lorsqu’Edmond Boissier écrit dans la revue de l’organisation que « Charité et universalité, à côté de l’indépendance et de l’impartialité, sont les caractères essentiels et distinctifs de la Croix-Rouge ». L’année suivante, le CICR dans ses statuts se donne la tâche de « maintenir les principes fondamentaux et uniformes de l’institution de la Croix-Rouge », parmi lesquels « l’impartialité, l’indépendance politique, confessionnelle et économique ».

On notera qu’il est question d’impartialité, pas de neutralité, et la différence est importante comme l’explique en 1955 l’un des dirigeants du CICR, le grand juriste Jean Pictet : contrairement à ce qu’indique l’étymologie du mot, être impartial n’est pas ne pas prendre parti. C’est, lorsque l’on prend parti, le faire sans préférence personnelle. L’impartialité, contrairement à la neutralité, implique donc une décision. L’impartial choisit, le neutre s’abstient de le faire.

Dire que la Croix-Rouge est impartiale, c’est dire par exemple qu’elle ne fait preuve d’aucune préférence personnelle, d’aucun favoritisme, lorsqu’elle décide (qu’elle prend le parti) de distribuer des secours. Elle le fait d’ailleurs en fonction des besoins, et non en respectant un égalitarisme strict qui commanderait de donner la même chose aux deux parties d’un conflit. Elle est impartiale également dans le sens où le droit international humanitaire, à travers les Conventions de Genève notamment, lui confie des missions en tant qu’agent, non en tant que juge – si ce n’est juge de l’application des Conventions, lorsqu’elle visite des camps ou des prisons par exemple.

En 1986 sont adoptés les sept Principes fondamentaux du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge : humanité, impartialité, neutralité, indépendance, volontariat, unité et universalité. La neutralité et l’impartialité sont alors définies et différenciées. « Afin de garder la confiance de tous, le Mouvement s’abstient de prendre part aux hostilités, et en tout temps, aux controverses d’ordre politique, racial, religieux et idéologiques » : c’est la neutralité. On reconnaît l’abstention dont parlait Pictet. S’abstenir de prendre part aux hostilités, c’est par exemple ne pas transporter de soldats valides dans ses ambulances, ni accepter que l’aide distribuée revienne en fin de compte aux combattants.

Au sujet de l’impartialité, il est dit que « Le Mouvement ne fait aucune distinction de nationalité, de race, de religion, de condition sociale et d’appartenance politique. Il s’applique seulement à secourir les individus à la mesure de leur souffrance et à subvenir par priorité aux détresses les plus urgentes ». L’impartialité a donc ici deux éléments : la non-discrimination dans l’attribution de l’aide, et l’adéquation de cette aide aux besoins.

Formulés de cette manière, ces deux principes ne semblent pas poser problème. Et pourtant, ils sont fréquemment la cible de nombreuses critiques. La neutralité, d’une part, est souvent confondue avec la lâcheté, et l’on pense immanquablement au silence du CICR face aux camps de la mort nazis. Le CICR était informé du génocide dès l’été 1942. Il est faux de dire qu’il n’a rien fait (il a notamment acheminé des colis de vivres dans certains camps de concentration), mais il est évident qu’il n’a pas fait assez et qu’il a bafoué ses principes.

Est-ce pour autant la faute de la neutralité ? Lorsqu’au cours de cet été 1942 le CICR renonce, après l’avoir envisagé, à lancer un appel sur la conduite des hostilités, dans lequel il était prévu de parler des déportations, il ne le fait pas pour préserver sa neutralité mais parce qu’il se sent impuissant, qu’il craint à la fois de compromettre son action envers les prisonniers de guerre et d’embarrasser les autorités suisses. Ce ne sont pas des raisons légitimes, mais aucune d’entre elles ne se réfugie derrière la neutralité.

L’impartialité, d’autre part, est souvent incomprise par ceux qui s’attendent à un traitement égal des parties au conflit, alors que le CICR distribue les secours en fonction des besoins, qui ne sont pas toujours égaux. Il doit également faire face à de nombreux obstacles, dont le risque de récupération politique de l’aide humanitaire et la volonté des donateurs, qui souhaitent parfois affecter des fonds à des catégories ciblées de victimes. Mais, ici encore, c’est moins le principe qui est en cause que sa confrontation à une réalité non idéale.

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